16/11/2007

POKER STAR "P14B"

Patrick Bruel

Une partie de Poker se joue sur toute la vie




Gagneur mais philosophe,
souvent désarmant, toujours sincère
et enthousiaste, notre champion du monde s'est révélé plus facile à affronter au bord d'une piscine qu'autour d'une table de jeu.

12h30 à la piscine du Bellagio. J'émerge tout juste.
A peine conscient que j'ai rendez-vous avec une star. Patrick Bruel en personne! On dit souvent la capacité de Vegas à dérégler votre horloge interne jusqu'à vous faire perdre tous vos repères : c'est vrai.

Si je n’avais pas reçu un coup de téléphone me prévenant qu' "IL" avait enfin un moment pour une interview, je serais probablement au lit.

L’attente au bar de la piscine n’est pas désagréable. Il doit faire près de 40 degrés, mais la sécheresse au milieu du désert du Nevada rend l’acclimatation rapide. Je revois rapidement ce que je sais de Bruel, le joueur. Une de ces stars de plus qui tente de surfer la vague du poker ? Pas vraiment. Un authentique champion et un précurseur plutôt. Patrick est l’un des trois seuls Français à détenir un bracelet de champion WSOP, qui plus est gagné au jeu des Américains, le Hold’em Limit. Ajoutez à cela deux tables finales des tournois WSOP Pot-Limit Omaha, une dixième place au WPT 25,000$ du Bellagio en 2003, plus des tables finales en Stud, Hold’em et Omaha en Europe… Et vous avez compris que l'homme était un passionné de poker bien avant l'explosion économique et médiatique de ce jeu.

Sa passion, justement, qui a rendu crédibles ses émissions TV sur Canal+. Sa sincérité aussi. Qui, comme dans sa carrière d'acteur et de chanteur, a séduit et accroché au spectacle des millions de Français qui jusque là ne faisaient pas la différence entre un As de trèfle et un deux de Carreau. Désormais, grâce à Patrick Bruel, le poker a droit de cité dans l'Hexagone, en prime time comme dans les cours de récré où le Texas Hold'em a vite fait de remplacer les billes et les cartes Panini...

Je suis en train de réaliser que si la passion de Bruel est si communicative, ce n'est pas seulement parce qu'il est une star. Il en a le charme, le talent. En plus, il a l'instinct et le courage qui sont ses qualités d'homme, aussi nécessaires pour réussir dans la vie que pour gagner au poker.

L'arrivée de l'homme-star me tire de mes réflexions. Il porte jean et T-shirt. Même pas de lunettes de soleil. Sourire chaleureux. il sort de sa douche après une séance de sport intensif. Oui, car il est en pleine préparation du "Main Event" des championnats du monde. Il commence demain et c'est du sérieux!

Patrick s'asseoit. Une serveuse s'approche, toutes voiles dehors. Il commande un "Arnold Palmer", un thé glacé et lemonade, moi un double express pour éliminer le reste du brouillard que j'ai devant les yeux malgré le soleil de plomb. Jennifer -impossible de ne pas remarquer son badge vu où elle l'a placé...- demande à Patrick son numéro de chambre et son nom pour la note...

Moi:"!..."
Lui: "Room 10001, Bruel..."
Jennifer:"Vous pouvez épeler, please?..."
Patrick, sans le moindre agacement: "Sorry...Bruel, B-R-U-E-L". Et il lui adresse un franc sourire.

Elle ne l'a même pas reconnu. Et lui ne s'en est même pas étonné. Comme quoi, être une star, cela ne donne pas forcément la grosse tête...

Cela tombe bien (rires). On va oublier un moment ta carrière d'acteur et de chanteur pour parler poker! Comment as-tu commencé ?

Patrick Bruel: En fait, j’ai commencé par les Echecs. Je joue depuis que j’ai 8 ans. Et dans l’environnement familial, avec mon oncle en particulier, ça jouait un peu aux cartes… Au poker, au huit américain, à la belote. Le poker m'a accroché assez rapidement. Vers 9 ans, je connaissais déjà les rudiments. Mais j’étais surtout branché Echecs. Un peu plus tard, j’ai découvert le bridge. Sinon j’ai vraiment joué au lycée, vers 16 ans, des petites parties de pok entre copains. On jouait notre argent de poche. Ensuite à la fac j’arrondissais un peu mes fins de mois. J’ai arrêté entre 25 et 30 ans, je n’avais plus le temps. Et à la trentaine un copain m’a invité à une partie un peu plus « sérieuse » et là je me suis aperçu que mon niveau n'était pas trop mauvais.

Tu as commencé par le poker fermé?

P.B.: Oui bien sûr. Mais très vite au lycée on a commencé l’ouvert: le Hold’em et aussi le Courchevel, qu'on appelait "la ligne".

Et aujourd’hui quel est ton meilleur jeu ?

P.B.: J'aime toutes les variantes. Et j’ai eu des résultats dans la plupart. En 7-Stud, j’ai gagné des tournois à Berlin et à Paris. A l’Omaha, j’ai fait deux finales WSOP dont une fois 2ème. Et deux finales de Hold’em, avec un bracelet. Oui, je crois que le No Limit Hold'em est mon meilleur jeu. C'est le plus stratégique et de loin le plus subtil, avec en même temps les émotions les plus violentes.

Quelles sont tes plus grandes forces au poker?

P.B. : La foi et l'envie de gagner avant tout. Mais aussi la lecture des adversaires, la patience, la capacité de laisser mon ego au vestiaire. Pour un artiste, tu imagines le boulot (rires...) Mais tout ça, ça dépend des jours. Il faudrait demander aux joueurs qui me connaissent bien, par exemple à Elie (Elie Marciano, NDLR) qui lui aussi est à Vegas pour les World Series... En fait, ce sont les Américains qui me connaissent le mieux. J’ai joué davantage à Vegas qu’en France. Je m’adapte mieux au jeu ici, je suis plus concentré.

Quel type de joueur es-tu? Plutôt un technicien ou un joueur instinctif ?

P.B.: Les deux. Sinon je ne pourrais pas faire les commentaires sur Canal. C'est d'ailleurs comme cela que je me suis aperçu que j’avais une bonne technique.

Tu penses que c’est la technique qui contribue le plus à ton jeu?

P.B.: Non, en réalité c’est plutôt mon instinct qui m’a toujours guidé. Et pas que dans le poker, dans ma vie surtout! Le poker demande beaucoup d’instinct, à combiner avec son inverse, la maîtrise de soi, le self control. Et aussi un vrai sens de la gestion. Je crois que cette gestion du temps de jeu et des jetons est ma plus grande force. Quand cela ne va pas, je me lève. Je suis un joueur qui sait se lever quand il perd.

Et ta plus grosse faiblesse?...

P.B.: Dans l’ordre, la plus grosse …C’est de croire que j’en ai aucune (Rires).
Sérieusement, la plus grande difficulté au poker, c'est de faire payer le maximum avec un jeu fort. C’est d'optimiser au mieux son jeu. Faire beaucoup de jetons avec les grosses mains. Finalement, la plus grande qualité, c'est savoir perdre très peu quand on perd et gagner beaucoup quand on gagne. Avec des belles cartes il faut analyser la table, le timing, les relances du joueur que l’on a en face de soi et bien le connaître. Se demander si on peut lui faire tapis, en fonction de ce qui s'est passé précédemment, il y a une demi-heure, deux heures, six mois ou même 10 ans !

La mémoire d’un joueur est en règle générale incroyable. Il se souvient d’un coup passé qui a marqué et dont il peut tirer une expérience, se resservir. C’est cette attitude qui va un moment donné être déterminante. Quand les joueurs discutent a table, posent des questions ou parlent de leur vie, tout cela c’est dans le but de tester quelque chose chez vous, de glaner des infos qui pourront un jour servir. Donc c’est pour ça qu’à priori il vaut toujours mieux éviter de montrer son jeu. L’adversaire s'en souviendra et une partie n'est jamais finie au poker, elle se joue sur toute la vie...

Pour revenir aux faiblesses, il m'arrive d'être trop curieux, de payer alors que mon analyse et mon instinct me commandent de jeter mes cartes. Ce doit être pour me prouver que mon analyse était la bonne. On en revient à l'ego...

Dans quels domaines as-tu encore des progrès à faire?

P.B.: Tous!

Aujourd’hui, tu préfères les cash games ou les tournois ?

P.B.: Beaucoup de joueurs jouent mieux en cash qu’en tournoi, mais pour moi, c'est la même chose, je suis aussi à l’aise dans l’un que dans l'autre. Tout simplement parce que je n’aime pas me recaver (rires...). Je joue en partie d'argent un peu comme en tournoi. Même si je sais au fond de moi que je peux me recaver, j’applique la technique du tournoi en cash game.

Un "bracelet", des résultats dans tous les jeux... Est-ce que tu as encore quelque chose à prouver dans le poker ?

P.B.: D’abord je veux confirmer. Un deuxième bracelet, ce serait pas mal. Et puis c’est surtout une passion, c’est un jeu magnifique, il y a tellement d’ouvertures, de possibilités. Tous les jours j’en apprends un peu plus. J’apprends de certains joueurs ce qu'il faut faire comme ce qu il ne faut pas faire, des combinaisons que je n’imaginais pas.
J’aime beaucoup l’ambiance des tournois. Si je pouvais faire une année entière tout le circuit, j’adorerais. Ce que j’ai déjà fait à une époque. Mais ce n’était pas comme ça, ce n’était pas aussi organisé. Aujourd’hui avec toute cette machine autour, c’est tentant. Mais bon...

Jouer au poker a-t-il apporté ou enlevé quelque chose à ton image? Comment Bruel le joueur de poker s’est-il associé à l’image de l’homme public ?

P.B.: Disons qu’au moment du titre de 98, personne ne savait trop que je jouais. J’ai eu très peur. Je me souviens avoir appelé mon agent en pleine nuit: "Un titre de champion du monde de poker, ça va se savoir..." Et Rose, mon agent, m’a répondu: "Et alors? Tant mieux, c’est extraordinaire! Cela donne plus d’aspérité à votre personnage, ça le rend moins lisse, plus sexy." Donc du coup, cela m’a plutôt libéré. Si elle avait raison....? En tout cas, il y a des gens qui m’ont perçu différemment. Les hommes surtout. Ils en avaient marre d'entendre leur nana toute la journée leur parler de moi et là, ils se sont dit: "Finalement, il a peut être quelque chose quand même..." Et ils se sont un peu plus intéressés a ce que je faisais, à ma musique, au cinéma, au théâtre…

Et avec le recul?...

P.B.: Maintenant c’est un peu différent. Surtout depuis les programmes de télé. Je pensais que cela resterait confidentiel, mais ça a pris beaucoup d’importance. Alors, il ne faudrait pas que les gens s’embrouillent. Je reste avant tout un acteur et un chanteur, pas un joueur!

Tu n'aimerais donc pas être plus reconnu pour le poker que pour le reste de ta carrière ?

P.B.: Non, pas du tout. Ou alors en Amérique...Où d'ailleurs je signe plus d'autographes comme joueur de poker (rires...)

Quel est l'avenir du poker en général et en France en particulier?

P.B.: Une explosion. Cela ne va pas s'arrêter. C’est un jeu unique, prenant, charismatique et qui peu être très lucratif. Mais comme tout ce qui peut être lucratif, très dangereux aussi.

Que penses-tu des récentes décisions juridiques américaines qui interdisent le poker en ligne? Parce que c'est vraiment internet qui a transformé le poker, non?...

B.: Oui, internet a été le détonateur et reste aujourd'hui la caisse de résonance du poker. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui pensent que la législation arrêtera le poker en ligne. Je pense que ce n’est pas possible. Il y a trop d'intérêts financiers. Et puis le poker n'est pas nuisible! Jusqu'à preuve du contraire, le poker tue moins que la cigarette. Et si on n’interdit pas les fabricants de cigarettes assassins qui vendent des produits addictifs, pourquoi interdire le poker?...
Il est prouvé qu’on n’a jamais arrêté la technologie. Le poker en ligne ou même la vie en ligne sont inéluctables. Il faut juste empêcher le train de dérailler. C'est ce que j'essaye de faire avec la Poker School dont je vais m'occuper sur Win-A-Max.com. Faire progresser les nouveaux joueurs dans le sens des tournois, de la compétition en général. S'intéresser à la technique et à l'aspect noble du poker plutôt qu'au hasard à tout-va...

Tu commences demain midi le "Main Event". Faut-il une préparation particulière avant un grand tournoi ?

Bien sûr! Une préparation physique et mentale est indispensable. Un championnat est une très grosse épreuve physique. De midi à 2 heures du matin pendant plusieurs jours avec des montées d’adrénaline énormes, une pression sans cesse plus forte, une relation permanente à l’exclusion. Survivre. Ne pas vouloir être mis à l’écart. Lutter contre ce que la psychanalyse appellerait sans doute une" petite mort". Cela fait appel à des choses très profondes, extrêmement violentes. Et l’inconscient vit tout ça avec beaucoup plus d’intensité qu’on ne le pense...

Moi, ma méthode, c'est: arriver un petit peu avant pour m’acclimater et à cause du décalage. Une semaine c’est bien. Il faut aussi en profiter pour se remettre au niveau. Parce que quand on joue en France, les joueurs n’ont pas le niveau américain. Non qu'ils jouent mieux ou moins bien. Mais c'est très différent. Ici il y a beaucoup plus de variété et d’imprévu : tous les types de joueurs, des meilleurs du monde à ceux qui ne comprennent rien ou qui sont là par hasard. La particularité du poker, c'est que tout le monde peut jouer. C’est comme si demain un amateur de tennis décidait de se mesurer à tous les pros de l'ATP ou si un fondu de foot se disait: "Tiens, je vais jouer la coupe du monde cet été . Je m’en fous, cela va me coûter tant, mais j’adore le foot, alors je vais jouer le mondial avec Zidane et Ronaldo!... ».

J’ai un copain qui est là. C’est le frère d’un mec qui joue et lui il n’a jamais joué de sa vie. Vraiment !...Et il va jouer les World Series! Et en plus il n’est jamais resté plus de dix minutes de sa vie sans téléphoner. Avec les nouvelles interdictions pendant le tournoi, je me demande comment il va faire! (rires...)

Que penses-tu des victoires d'inconnus comme Moneymaker ou Hachem dans ces WSOP?

P.B.: Moneymaker est médiocre. Mais c'est son aventure qui a fait exploser le poker!

Les WSOP organisent cette année un tournoi H.O.R.S.E* dont l'entrée est à 50 000$. N’est-ce pas une volonté de revenir à une formule plus classante? Les organisateurs voudraient-ils faire de ce tournoi le Main Event de demain?

P.B.: Non, pas le main event. Un droit d'entrée de 50 000$, c'est trop d’argent. Et je ne crois pas à plusieurs jeux. Si le main event était un tournoi a 50 000$ Holdem, peut-être. D'ailleurs je crois qu'ils feront un 50 000$ No Limit l’année prochaine. Mais pour moi, le plus beau tournoi du monde reste le WPT du Bellagio à 25000$. Je ne l’ai pas gagné, j’ai fait 10ème, mais c’est mon plus beau souvenir. C’était un très haut niveau. Déjà on ne met pas 25000$ comme ça, juste pour se marrer. Heureusement il y avait des satellites et j’ai gagné mon ticket. Je crois que je l’aurais fait quoi qu’il arrive mais là, j’ai gagné un satellite a 250$ et ensuite je me suis qualifié dans le super-satellite à 2500$. Donc le ticket m’a coûté 250 $!

*NDLR. Le H.O.R.S.E. est un tournoi alternant Hod'em, Omaha high-low, Razz, 7-Stud et 7-Stud hi-low. Une formule qui reproduit celle des très grosses parties d'argent des pros de Las Vegas.

N’y a-t-il pas danger quand on voit à la télé un monsieur- tout- le-monde gagner des centaines de milliers de dollars sur un tournoi? N’importe qui peut croire que c’est facilement accessible...

P.B.: C'est tout simplement le même danger que de faire croire à des gamines de 15 ans qu’elles peuvent devenir des stars de la chanson. Beaucoup d’appelés et peu d’élus. Mais le poker c’est pas tout à fait pareil que la Star Ac'. Sur les émissions de Canal par exemple, on retrouve très souvent de vrais professionnels. Alors de temps en temps, il y a un Moneymaker en plein milieu mais c’est une exception. C’est comme si la Corée avait gagné la coupe du monde de foot. C’est toujours possible, sur seulement 7 matches...
En 2003, on ne peut pas imaginer les coups de pot qu'a eu Moneymaker pour gagner les World Series. Entre autres, il fait sauter un adversaire qui a AA avec DV!... C'est marrant d'ailleurs, c'est comme cela aussi que je me suis fait sortir à l'EPT de Monte Carlo. Sauf que Moneymaker, il ne l’a pas fait après deux heures de tournoi comme le joueur contre moi. Il l’a fait au bout de six jours, quand ça comptait, avec des millions sur la table!... Je déteste ce genre de joueurs à table. Je préfère de loin jouer contre les meilleurs du monde. Je sais comment ils fonctionnent.

Quels seraient tes conseils à un jeune qui commence ?

P.B.: Le plus important est de ne jamais jouer au dessus des ses moyens, de ne jamais mettre en danger son patrimoine, quel qu’il soit. Il faut s’amuser. Toujours considérer que ce n’est qu’un jeu. N’est pas pro qui veut! D'autant que ce n’est pas passionnant d’être professionnel de poker. C’est une vie de grande solitude où l’adrénaline remplace beaucoup de choses...Jouer prend beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, peut détruire une famille ou l’empêcher de naître, surtout pour ceux qui commencent très jeunes. Bref, il n’y a aucun enrichissement personnel. Par contre jouer pour s’amuser, et même en ligne, c’est bien. On peut éteindre son PC quand on veut...

Tu joues sur internet ?

P.B.: Un peu mais je n’ai pas trop le temps. Je joue sur WinAMax.com car, avec Michel Abécassis, nous mettons en place une poker school 100% française. Il y a déjà une communauté importante, plutôt conviviale sur le site. Et nous allons organiser des tournois, des satellites et même un classement français pour sélectionner les meilleurs. Ils feront partie de la "WAM Team" qui voyagera avec nous dans les grands événements européens. J'ai insisté pour créer une école, un forum, une véritable communauté en dehors des tables. Dans ce sens, je crois que c'est une première en France. D'ailleurs, être l'image d'un site uniquement commercial ne m'intéresserait pas...

Joues-tu des cash games en "live" ?

P.B.: Le poker pour moi, c’est une détente. Il ne faut pas que les parties soient trop longues. L’idéal, c’est quatre heures. Généralement, je joue Holdem No limit et Omaha Pot limit. Bien sûr je peux m’adapter à tous les jeux mais à choisir, je me contenterais de ces deux là. Dans ma partie, personne ne joue au-dessus de ses moyens. D’ailleurs un conseil que je pourrais donner est d’éviter les parties entre amis, je ne suis pas tellement pour. C’est celles-là qui doivent être courtes, où il faut interdire les prolongations. Entre amis il faut s’amuser, tout doit s’équilibrer sur une année sinon on met en péril les relations humaines. Dans le cas contraire, c’est là que je privilégierais davantage le jeu en ligne.

Es-tu superstitieux? Par exemple, as-tu un grigri?...

P.B.: Ca dépend des fois... J’ai travaillé là-dessus (rires) car sinon la superstition peut prendre la tête pendant une partie. J’ai quand même un T-shirt fétiche. Mais sur une semaine, faut pas s’inquiéter je le lave! (rires)…C’est un T-shirt avec un 14, mon nombre fétiche! Et puis bien sûr, j'ai le petit nounours que mon fils m'a offert.

Y a t-il un joueur qui t’impressionne et que tu respectes plus particulièrement ?

P.B.: Oui. Certains m’impressionnent par leur lecture, leur analyse, leur sympathie à table. Negreanu fait partie de ceux-là. C’est le joueur que je préfère. C’est un des plus forts aussi.

J'aime bien aussi Antonio Esfandiari, il a une bonne attitude. Mais le plus impressionnant d’entre tous reste Doyle Brunson. Sur une des dernières émissions WPT, il gagne en faisant une démonstration de poker du premier au dernier coup. Une vraie leçon du maître! Comment faire payer avec un bon jeu?... Là, j’ai appris.

Quel est, selon toi, le meilleur joueur du monde en tournoi? Et en cash game?

P.B.: En tournoi, je dirai Daniel Negreanu et Phil Ivey. En partie d'argent Chip Reese et Phil Ivey. Au total donc, Phil Ivey, il a un don exceptionnel...Et puis il ne faut pas oublier le Maître, Doyle Brunson. Lui, il est hors concours: il leur a tout appris, à tous!

Et les Français ?

P.B.: Quelques-uns vont faire la différence. Il y a le cas David Benyamine mais il est un peu particulier. David fait probablement partie des meilleurs mais il est dans une spirale "Big Game" qui change sa perception des tournois. Il aurait pu être un des plus grands joueurs de tournoi mais il n’a pas investi un grand intérêt dans la discipline. Je pense aussi à un autre joueur vraiment talentueux, mais tout dépendra de sa relation mentale avec le jeu et psychologique avec les autres: Antony Lellouche. C’est lui sur qui je miserais aujourd'hui. Je ne dis pas cela parce qu'il m'a sorti un jour avec deux As alors que j’essayais de le bluffer avec un tirage cœur...Non, il a vraiment un potentiel.

Ton meilleur et ton pire souvenir autour des tables... ?

P.B.: Le meilleur: ma remontée au 25000$ du Bellagio. J'ai tenu trois jours avec très peu de jetons et ma patience a payé puisque j'ai réussi à me hisser aux portes de la finale. Hélas j'ai sauté 10ème, en deux coups...
Mon pire?....Un bad beat, évidemment. Et j'en ai plein, hélas! J’ai aussi un souvenir qui aurait pu être affreux mais qui ne l’est pas : en finale de l’Omaha WSOP après mon premier bracelet, j’ai pratiquement le 2ème dans la poche. En tête à tête contre Robert Williamson III, je suis mieux que lui à tous les niveaux. Et là je me déconcentre complètement sur la dernière demi heure! Je le laisse filer. Il était tellement heureux et enjoué d’être en finale que je n’ai pas réalisé l’importance du moment. Quand il a gagné, on s'est tombé dans les bras et j'ai été sincèrement content pour lui! C'est bien la seule fois de ma vie où j'ai perdu avec le sourire (rires...)

Pourquoi a-t-on autant de mal à accepter les bad beats ?

P.B.: C’est une question de relation avec les probabilités. Quand il ne reste une seule carte dans le paquet pour te battre et qu’elle sort... Un seul mot vient, c’est: "POURQUOI ?" Pourquoi là ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?...Mais la réponse est simple: "Si tu n'acceptes pas le hasard, joue aux Echecs!". Il faut juste être philosophe et penser qu’on va en donner plus que l’on en recevra, c’est tout.

Beaucoup de joueurs pourtant ont fait l'inverse, passant des Echecs au poker...

P.B.: C’est logique car il y a une relation analytique avec le jeu. Un peu comme au bridge aussi. On peut élaborer un système de jeu, travailler les coups et les prévoir à l’avance. Moi, je suis plus intéressé par la stratégie que par le hasard. D'ailleurs, à Vegas, je ne joue à aucun autre jeu que le poker. Je connais de très forts joueurs qui peuvent batailler toute une soirée pour gagner et qui sont capables de tout perdre sur un coup de roulette ou de craps! C'est aberrant...Non, vraiment, le bridge, les Echecs et le poker sont les trois jeux rois, où stratégie et réflexion sont les facteurs essentiels.

Quelle est ta journée-type à Las Vegas ?

Pendant les tournois, réveil pas trop tard. Une heure de sport puis sauna et relaxation. Ensuite je m’assois au petit déjeuner autour de la piscine vers 10h30. Cela me sert de déjeuner. Pas de café. Ensuite je me prépare, j’arrive au tournoi une demi-heure avant, je scrute la salle, tranquille. Toutes les deux heures, pendant la pause, je prends une boisson énergétique comme les sportifs.

Est-ce qu’au moment de te coucher tu revois les coups? Cela t’empêche-t-il de dormir ?

Il faut que chaque expérience serve à nouveau pour la suite. C’est normal de repenser aux coups. Cela doit même être systématique. Pour progresser, mémoriser les stratégies et les comportements. Se connaître un peu mieux à chaque nouvelle partie. Comme dans la vie...

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